Le Judenlager des Mazures
The Judenlager of Les Mazures

Français

Le Judenlager des Mazures dans le contexte de l'été meurtrier de 1942

En 1942, des hommes juifs habitant la Belgique sont internés dans des camps de travail forcé en France  : les Nazis exploitent et  affaiblissent les Juifs à l'Ouest avant de les assassiner à l'Est 

A l'été 1942, tous les Juifs habitant en Belgique sont dépourvus de leurs droits civils, démunis de leurs moyens de gagner leur vie et privés d'une vie libre.  

Entre le 13 juin et le 12 septembre, 2.252 hommes juifs de Belgique sont convoqués, raflés et arrachés à leurs familles pour être envoyés dans des camps de travail forcé dans le Nord de la France.  Le départ de la gare d'Anvers de 288 hommes vers Revin/Les Mazures se situe dans ce contexte et se fait le 18 juillet 1942.  


Les Nazis font la fausse promesse que les familles de ces hommes seront laissées saines en sauves ...  La dure réalité est que le 4 août 1942, le premier de 28 convois de familles juives quitte la Belgique à Auschwitz-Birkenau.  Elles n'en reviendront jamais.   


Pendant l'été de 1942, en trois mois, les Nazis assassinent à Auschwitz-Birkenau les deux tiers des 25 500 Juifs et 354 Tziganes de Belgique déportés pendant toute l’occupation.  La majorité des familles des hommes déportés dans les camps de travail forcé sont elles aussi massacrées pendant cette période.

La majorité des hommes assignés au travail forcé en France est déportée à Auschwitz-Birkenau fin octobre 1942.





L'historienne Danielle Delmaire a estimé en 1992 que "la mise au travail forcé des Juifs de Belgique (...) répond à une double stratégie : construire la ligne de défense sur le flanc occidental de la nouvelle Europe et mettre en oeuvre la 'Solution finale'.  Répondant à ces deux impératifs, les Nazis utilisèrent donc les Juifs pour satisfaire leurs efforts de guerre à l'ouest avant de les exterminer à l'est".

Hannah Arendt avait expliqué dès 1951 que le mensonge était à la base du système totalitaire.   C'est en utilisant le mensonge pour cacher leurs vraies intentions que les Nazis ont réussi à contrôler, terroriser, exploiter et organiser le massacre de six millions de  Juifs.

Photo Y. Reicher (2012) - Les Mazures

English

The Judenlager of Les Mazures within the context of the murderous summer of 1942

In 1942, Jewish men living in Belgium are interned into forced labour camps in France: the Nazis exploit and exhaust the Jews in the West of Europe before murdering them in the East

By the summer of 1942, Jews living in Belgium are shorn of their civil rights and deprived of their right to earn a living and to enjoy the normality of a free life.


Between June 13 and September 12, 2,252 Jewish men from Belgium are summoned, rounded up during razzias and ripped from their families.  All are sent to forced labour camps in northern France. The departure of 288 Jewish men from Antwerp to Revin/Les Mazures on July 18, 1942 takes place in this context.


The Nazis lie while promising the Jewish population that the slave labour project will keep the families in Antwerp safe - the bitter reality is that on August 4, 1942, the first of 28 convoys of Jewish families leaves Belgium to Auschwitz-Birkenau.  They will never return.


During the summer of 1942, over a period of three months, the Nazis assassinate two-thirds of the 25,500 Jews and 354 Roma and Sinti from Belgium they deport throughout the occupation to Auschwitz-Birkenau.  The majority of the families of the men deported to the forced labour camps are assassinated by then. Most of the men assigned to the slave labour camps in France are deported to Auschwitz-Birkenau at the end of October 1942.




The historian Danielle Delmaire concludes in 1992 that "the forced labour of the Jews of Belgium (...) is a double strategy: to build the line of defense on the western flank of the new Europe and to implement the 'Final Solution'. To address these two imperatives, the Nazis therefore used the Jews to bolster their war effort in the west before exterminating them in the east".


Hannah Arendt explained from 1951 that lies are the basis of a totalitarian regime. It is through the usage of lies to hide their real intentions that the Nazis succeeded in controlling, terrorizing, exploiting and organizing the slaughter of six million Jews.

Photo Y. Reicher (2023) - Les Mazures

Le Judenlager des Mazures
The Judenlager of Les Mazures

   Antwerpen-Les Mazures                18.7.1942
   Les Mazures-Dossin-Auschwitz      23.10.1942
   Les Mazures-Drancy-Auschwitz        5.1.1944

Le Judenlager des Mazures est un des camps de travail forcé de l'Organisation Todt, qui se concentre sur la construction du mur de l'Atlantique, une ligne de fortification côtière qui doit empêcher une invasion des Alliés.  Pour ce faire, l’Organisation Todt devient l’outil militaire qui règle l’exploitation économique du Troisième Reich. Celle-ci implique aussi bien le pillage de matières premières que celui de la main-d’œuvre, entièrement basé sur le travail forcé.


Si les camps de l'Organisation Todt sont principalement situés dans le Nord de la France (dans le Boulonnais), le Judenlager des Mazures a deux particularités :   c’est le seul camp de travail forcé implanté dans les Ardennes françaises et les Juifs, 288 au total, qui y sont emmenés de force le 18 juillet 1942, étaient tous domiciliés à Anvers.


Arrivés à la gare de Revin, ils sont emmenés à pied jusqu'aux Mazures où les Nazis leur ordonnent de construire un camp et de couper du bois dans la forêt pour en faire du charbon de bois destiné à l'industrie de guerre nazie.  Les conditions de vie sont inhumaines et la nourriture insuffisante.


Lorsqu’en octobre 1942, les Nazis s’aperçoivent qu’ils n’atteindront pas le quota de 20 000 déportés raciaux exigé par Berlin, ils puisent dans le réservoir d’esclaves que constituent les camps de travail forcé.

 

La nuit du 23 au 24 octobre 1942, 243 des 288 déportés juifs des Mazures sont renvoyés en Belgique, à la caserne Dossin. De là, ils embarquent à bord du transport XV, avec d'autres Juifs détenus dans ce camp de regroupement. Ils sont déportés à Auschwitz-Birkenau le 24 octobre.  220 de ces 243 déportés des Mazures y seront assassinés.  

Ces hommes seront assassinés pour répondre à un besoin administratif arbitraire des meurtriers nazis. 

 

Les 42 Juifs qui restent au Judenlager des Mazures (trois ont réussi à s'évader) ont la nationalité belge. Vu leur petit nombre, l'Organisation Todt reçoit une main-d'oeuvre nouvelle en compensation, pour poursuivre la production de charbon de bois.  En violation de la Convention de Genève, mais sans que Vichy ne semble s’en émouvoir, des prisonniers de guerre français d'origine nord-africaine se retrouvent ainsi aux Mazures. Ils proviennent selon toute vraisemblance des troupes coloniales prisonnières depuis la percée de Sedan du terrible mois de mai 1940.   


À ces militaires abandonnés s’ajoutent des prisonniers de droit commun condamnés à des peines de quelques mois.  
Au milieu de l’année 1943, Émile Fontaine, capitaine des FFI, est ainsi arrêté par la gendarmerie avec dans sa camionnette un chargement de denrées volées à la WOL (l’administration agricole allemande) et dont il ne peut justifier ni la provenance, ni, bien sûr, la destination. D’abord accusé de s’adonner au marché noir, il est emprisonné à Rethel, puis interné aux Mazures jusqu’à la fin de l’année. Là, il est confronté à la détresse de Juifs d'Anvers (Jean-Émile Andreux, 2003-2004).


Faisant partie du réseau d'Émile Fontaine, le chanoine Alphonse Pire témoignera en 1958 : "Fontaine s'était ému de la déportation en masse au camp des Mazures d'Israélites belges et de leur lamentable détresse; et, lorsqu'il apprit un jour leur prochain départ pour l'Allemagne, il conçut le projet, avec d'autres résistants, de sauver ces malheureux de la déportation et de la mort qui les y attendait".


Dans la nuit du 4 au 5 janvier 1944, les derniers Juifs de Belgique du Judenlager des Mazures sont conduits en gare de Charleville-Mézières et partent pour Drancy.  Sur la route, le train s'arrête en gare d'Amagne-Lucquy où un cheminot du réseau de résistance d'Émile Fontaine débloque le système de verrouillage d'un des wagons. Dix "Mazurois" parviennent à sauter du train. Fontaine vient en aide aux évadés, les hébergeant et leur fournissant des faux papiers ce qui lui vaudra d'être reconnu comme Juste parmi les Nations.






Des 288 Juifs d'Anvers incarcérés au Judenlager des Mazures puis déportés à Auschwitz-Birkenau, 239 ont été massacrés, 22 ont pu s'évader et/ou ont été sauvés par la Résistance et 27 ont survécu à la déportation.


Pendant que ces 288 hommes étaient exploités dans ce camp de travail forcé, antichambre du camp d'extermination qui les attendait, leurs familles ont été systématiquement massacrées.   Il n'y a eu quasiment aucun survivant parmi leurs épouses, enfants et parents déportés à Auschwitz-Birkenau.   Les seuls qui ont survécu sont ceux qui ont réussi à se cacher jusqu'à la fin de la guerre.



Des milliers d'enfants et de petits-enfants de ces 288 hommes auraient dû vivre une magnifique vie jusqu'à nos jours.  La réalité est qu'il n'y a qu'un tout petit nombre de familles issues de ces hommes qui sont en vie aujourd'hui.



L'histoire des 288 déportés du Judenlager des Mazures et de leurs familles respectives à Anvers n'est malheureusement qu'un des innombrables témoignages de la Shoah, le plus grave crime commis au 20e siècle contre l'humanité.  

The Judenlager of Les Mazures is one of the forced labour camps of the Todt Organization, which focuses on building the Atlantic Wall, a line of coastal fortification that is to

prevent an Allied invasion. To do this, the Todt Organization becomes the military tool that regulates the economic exploitation of the Third Reich. This extends itself to the plunder of both raw materials and labour, based entirely on forced labour.


The forced labour camps of the Todt Organisation are all located in the North of France (at the Boulonnais), except for the Judenlager of Les Mazures which is in the French Ardennes.  A further anomaly is that all its 288 Jewish prisoners, who are taken there by force on July 18, 1942, were all, at the time, living in Antwerp.


Arriving at the Revin train station, they are taken on foot to Les Mazures where the Nazis order them to build a camp and cut wood in the forest to make charcoal for the Nazi war machine. Living conditions are inhumane and food is insufficient.


In October 1942, the Nazis realize that they will not meet the quota of 20,000 racial deportees demanded by Berlin. A decision is made to draw on the reservoir of slaves from the forced labour camps.


On the night of October 23 to 24, 1942, 243 of the 288 are sent back to Belgium, to the Kazerne Dossin. From there, they board transport XV, joining other Jewish families detained in the assembly camp. All are deported to Auschwitz-Birkenau on October 24.  220 of the 243 deportees from Les Mazures are murdered there.  

These men are murdered to comply with an arbitrary administrative demand by the Nazi murderers.


The 42 Jews who remain at the Judenlager of Les Mazures (three managed to escape by then) all hold Belgian nationality, thus saving them from deportation in October 1942. Since they are few in number, the Todt Organization receives new manpower in compensation to maintain the manufacture of charcoal. In continued violation of the Geneva Convention, but without Vichy seeming to be moved by it, French prisoners of war of North African origin found themselves at Les Mazures. In all likelihood, they belonged to the colonial troops present during the breakthrough of Sedan in this terrible month of May 1940.


In addition to these abandoned soldiers, there are common law prisoners sentenced to sentences of a few months. 
In the middle of 1943, Émile Fontaine, captain of the FFI (French Resistance) is arrested by the gendarmerie with in his van foodstuffs stolen from the WOL (the German agricultural administration) of which he cannot justify either the origin, nor, of course, the destination. First, accused of engaging in black market activities, he is imprisoned at Rethel, then interned at Les Mazures, until the end of the year. There he is confronted with the plight of the Jews of Antwerp (Jean-Émile Andreux, 2003-2004).


Being part of the network of Émile Fontaine, the canon Alphonse Pire (1958) testifies: 'Fontaine was moved by the mass deportation to the camp of Les Mazures of Belgian Israelites and their lamentable distress there; and, when he learned one day of their imminent departure for Germany, he conceived the plan, with other resistance fighters, to save these unfortunate people from the deportation and death which awaited them there.


On the night of January 4 to 5, 1944, the remaining Jews from Belgium at Les Mazures are taken to the Charleville-Mézières train station and then leave for Drancy.  On the road, the train stops at the Amagne-Lucquy station where a railroad worker from Émile Fontaine's resistance network unlocks the locking system of one of the wagons. Ten "Mazurois" were able to jump off the train. Fontaine comes to the aid of the escaped Jews, sheltering them and providing them with false papers which gave rise to him being granted the title of Righteous among the Nations.



Of the 288 Jews from Antwerp incarcerated at the Judenlager of Les Mazures and then deported to Auschwitz-Birkenau, 239 were assassinated, 22 were able to escape and/or were saved by the Resistance and 27 survived deportation.


While these 288 men were exploited in this slave labour camp, on a waiting list to be murdered, the families of the 288 men were systematically murdered.   Hardly any of the women, children and parents survived Auschwitz-Birkenau. The only surviving family members are those that went into hiding until the end of the war.



The repercussion until today is that thousands should have lived today, as children and grandchildren of these 288 men. The reality is that there is only a handful of families who can be traced back to these men today. 



The story of the 288 Jewish men at the Judenlager of Les Mazures and their families in Antwerp is one of the many harrowing accounts of the Shoah, the gravest crime against humanity of the 20th century.
     


Références/References

Andreux, J-É (2003-2004), Le Judenlager des Mazures. Juillet 1942 - Janvier 1944, Revue historique ardennaise, Société d’Études ardennaises, 
                                           Archives départementales, Tome XXXVI, Charleville-Mézières, pp. 199-216
Andreux, J-É (2003-2004), Les Mazures, un camp de juifs en Ardennes françaises, Tsafon, revue d'études juives du Nord, n° 46, pp. 117-148
Andreux, J-É (2007), Mémorial des déportés du Judenlager des Mazures, Tsafon, revue d'études juives du Nord, n° 3 hors-série, p. 154

Arendt, H. (1951), The Origins of Totalitarianism, Harcourt Brace & Co, New York, 1951

Delmaire, D. (1992), 1942 L'année tragique des Juifs du Nord, Tsafon, revue d'études juives du Nord, n° 9-10, Lille, pp. 2-151
Pire, A. (1958), Histoire d'Aubenton, Ets A. Baticle, Chauny